Aujourd’hui, Maman est morte.

Assise sur le canapé du salon, la tête dans tes mains, tu ne peux retenir les larmes qui continuent de rouler le long de tes jours. A côté de toi, un bras passé autour de tes épaules, Debbie tente de te consoler. Ta belle-mère tente l’impossible, en vain. Tu trembles, tu ne supportes pas la vue de son sang. Alors tu te lèves d’un coup, tu rejoins les toilettes dans lesquels tu déverses le contenu de ton estomac.
S’en était trop.

Aujourd’hui, Maman est morte.

Quand tu reviens au salon, un officier de police interroge un homme. Grand, brun, les yeux clairs, une veste en cuir sur les épaules. Tu approches de ton père qui te prends dans ses bras. Si tu adores Debbie, la présence de ton géniteur te rassure. Finalement tu fonds en larme dans ses bras et il te ramène à la maison. Enfin, dans son appartement où ton frère et toi avez une chambre chacun.

Aujourd’hui, Maman est morte.

Tu as toujours aimé dire que tu avais trois Maman.
Tes parents s’étaient séparés lorsque tu avais douze ans. Pas une période facile pour une préadolescente. Mais tu t’en es sortie parce qu’ils s’appréciaient encore. Leur passion s’était éteinte, pas leur affection. Ton père s’est remarié, quelques années après. Valentine a toujours été présente pour toi pour s’amuser. C’est avec elle que tu faisais du shopping, avec elle que tu partageais des mokas en terrasse l’été. Debbie, c’était une mère plus réservée, qui cherchait encore sa place. Lesbienne depuis toujours, tu as partagé avec elle ce fardeau que fut ta bisexualité. Tu avais peur du regard de tes parents alors même que ta mère était en couple avec une femme. Debbie, c’est elle qui équilibrait ta vie. Militante écologiste, végan convaincue et fervente défenseuse des droits individuels quels qu’ils soient, elle t’a appris à rester ouverte d’esprit, à prendre soin de ce qu’on nous offre et à mieux apprécier les choses.

Aujourd’hui, Maman est morte.

Mais tu avais beau les aimer toutes les deux très forts, aucune d’entre elles n’étaient ta mère. Charlie Reed était une auteure à succès. Elle déplaçait les foules à chaque séance de dédicaces et aimait apprendre à connaître chacun de ses fans. Elle passait des heures à répondre à des mails et à discuter avec ceux qui la suivaient. Ta mère était folle, du genre de ces hippies qui mettent des pinceaux dans leurs cheveux, qui portent des sarouels bariolés et qui ne mangent un fruit que s’il est bio. Est-ce que c’était mal ? Non. Tu l’adorais. Tu as beaucoup été en conflit avec elle, mais tu n’aurais pas rêvé meilleure mère.

Aujourd’hui, Maman est morte.

Et toi, tu es allongée sur ton lit. Le regard fixé vers le plafond. Tu sais que c’est fini. Les larmes reviennent, la migraine aussi. Et tu finis par t’endormir. Tu t’éveilles en pleine nuit, seule. Il n’est pas si tard que ça. Une lumière bleue clignote et éblouie ton regard. Groggy, tu descends au salon rejoindre ton père et Valentine. C’est à ce moment-là qu’une scène surréaliste se produit sous tes yeux. Valentine est menottée. Elle ne semble pas comprendre plus que toi.
« Madame, vous êtes accusée du meurtre de Charlotte Reed. Tout ce que vous pourrez dire… »
Tu croises son regard, elle te supplie silencieusement de ne pas croire à ça. Tu tournes la tête vers ton père, il est déjà au téléphone avec un avocat.

Aujourd’hui, Maman est morte.
Et j’en ai perdu une deuxième.

La vérité dans tout ça ? C’est que toute la famille est sûre que Valentine est innocente. Comme si les preuves avaient été mises en évidence, comme si personne n’avait envie de chercher plus loin. La nouvelle femme d’un mari trop proche de son ex, c’était le tableau parfait n’est-ce pas ? Jalousie, passion, meurtre. Digne d’Hollywood. Pourtant, Charney n’était pas dans le même coin. Alors vous vous êtes battus pour découvrir qui avait tué votre mère. Ton frère a embrassé une carrière d’avocat, il est doué. Il s’en sort bien. Quant à toi, ça n’a pas été difficile de choisir. Ce serait le FBI. Charney a été ta première affectation. Et ta dernière. Tu t’y sens chez toi. Et tu refuses de quitter cette ville tant que tu ne sauras pas exactement qui a tué ta mère.