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- J’ai pas à m’inquiéter, ça va bien se passer le rite d’entrée ? Je pourrais pas être présent aujourd’hui, je pense que Wally m’a mis en mission exprès.
- Ouais no problème dad, je suis préparé depuis que je suis gosse.
Son père affiche un sourire pudique, révélant sa fierté. Matheo a grandi chez les Outlaws, sa famille, il connaît les codes depuis longtemps. C’est juste une formalité, pour officiel son entrée dans le gang maintenant qu’il est majeur.
- Bien, on se voit ce soir. Et on ira fêter ton succès.
Le jeune homme acquiesce, sort une cigarette de son paquet qu’il glisse entre ses lèvres et sort de l’appart, prêt pour la longue journée qui l’attend.
Qui finit par une grande fête dans un bar pour célébrer l’arrivé du nouveau membre, soirée mémorable où ils ont tous fini bourré et interdit de l’établissement à vie.
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- Grimpe sur ta moto et suis nous Matheo, on va récup’ la thune à un mec qui nous fait tourner en bourrique depuis des mois. Tu vas voir comment ça se passe les “négoc.’”
La jeune recrue se fait pas attendre, laisse tomber la bécanne qu’il était entrain de réparer pour s’empresser de les suivre. Première mission, il est excité de pouvoir faire vraiment ses preuves. Il enfourche sa moto, talonne à grande vitesse ses aînés. Il adore toujours autant cette sensation de vitesse, qui lui procure un sentiment de liberté infini. Le groupe s’arrête devant une maison, non sans avoir fait le boucan nécessaire pour faire remarquer leurs venues. Ils choppent le type qui s'apprêtait à fuir chez lui.
- Reste là enfoiré, on avait un accord, la thune et t’en sortais indemne. Matheo, empêche que quelqu’un intervienne.
S'en suit les cris, les coups. Matheo détourne le regard. C’est pas la première fois qu’il assiste à ce genre de scène, mais ça l’impressionne toujours. Il s’allume une cigarette en attendant que ça passe.
La femme qui sort en toute hâte de l’appartement, se précipitant vers son mari.
Qu’il empêche d’agir en la repoussant violemment alors qu’elle est à sa hauteur, qui perd l’équilibre pour se cogner la tête sur le trottoir.
Sous ce regard enfantin rempli de larme et de peur.
Ca va au ralenti, les cris qui lui sont adressé, son père qui le saisit par le col et le pousse vers la moto, la fuite à pleine vitesse.
Et l’image des deux corps gisant au sol.
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Les deux motos filent dans la nuit, zigzaguant à travers les voitures. Fuyant à toute allure la voiture de police, qui finit par laisser tomber. Matheo en rigole, se rapproche de la moto de son compagnon pour le checker. Ils finissent par s’arrêter à leur bar habituel, celui qu’ils squattent depuis 5 ans.
- Gars, tu devrais vraiment rejoindre le gang, tu conduis mieux que la plupart. Et tu sais que ça me coûte de dire ça.
Signe négatif de la tête de son ami.
- Sérieux, t’as vu ma tête de négre ? Ils voudront jamais de moi, et la violence c’est pas mon truc.
Matheo soupir, évidemment qu’il est déjà au courant de ça. Depuis l’enfance son pote est la pour le freiner quand le fougueux n’arrive plus à se contrôler. Et ça a toujours dépité son père votre amitié.
La soirée défile, comme les shooters. Les langues se délient.
- Mec, dans cinq ans, j’en aurais trente, je serais respecté du clan. Je prendrais la place du chef actuel et j’autoriserais n’importe qui passionné de moto de nous rejoindre, que ça soit une femme ou un non-blanc.
Son meilleur ami rit, tope la main tendu.
- Haha, je te fais confiance.
Matheo, il est sérieux. Il n’accepte plus ce racisme, ce machisme, même s'il aime sa famille. Et c’est pour ça qu’il souhaite qu’elle évolue.
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Réveil en sursaut, le front en sueur. Encore ce cauchemar où ses yeux verts remplis de jugement te fixent.
Il se passe la main dans les cheveux, reprend ses esprits alors qu’il regarde le calendrier. Dix ans jour pour jour.
Ce jour où il a détruit la vie de cet enfant apeuré. Incapable de l’oublier.
Il avait pourtant tenté de faire abstraction de son sentiment de culpabilité, quitte a se plonger dans la drogue. Faisant comme si tout allait bien auprès du gang. Mais il a fini par la retrouver, cette enfant nommée Aellia, la protégeant de loin depuis des années comme si ça pouvait te permettre de te sentir mieux.
En vain.
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