Histoire : Lui c’est Jirō Kanata. Une petite frappe sans grande importance que tu surveilles depuis quelques semaines. C’est une mission que tu t’es auto-assigné, faisant beaucoup de zèle en dehors de ton service. Il fait partie des Benjing Dragons, un gang à taille moyenne composé presque exclusivement de chinois. Un groupuscule qui espère, tôt ou tard, être absorbé par l’une des Triades. Derrière tes lunettes de soleil en pleine nuit, ton paquet de chips entamé sur le siège passager, ton uniforme un peu trop grand pour toi, tu l’observes. Jirō Kanata, le fils d’une famille modeste, aux parents honnêtes mais débordés, très influençable avec des mauvaises fréquentations. Il n’est pas très violent cet apprenti délinquant, mais il traîne des business où la brutalité peut vite pointer le bout de ses phalanges. Il fait office de coursier / livreur. C’est assez simple, on lui donne un paquet, certainement de la drogue et il doit la déposer à un autre endroit de la ville, récupérer l’argent de la transaction et la rapporter sans se servir en chemin. Et s’il se sert, les Benjing Dragons ont pour fâcheuse tendance de s’en prendre à la famille. Des parents qui tiennent une laverie de quartier miteux, ça ne peut pas rembourser des kilos de drogues de synthèse. Bref.

Sur son vélo de course, Jirō profite de l’encombrement des ruelles pour se frayer une chemin sans prendre le risque d’être suivi. Sait-il que tu lui files le train depuis 3 soirs d’affilée ? A dire vrai, comme tu as raison de tes chips, tes donuts et de la moitié de ton pack de bière, tu ne te laisses plus le temps d’y penser. Tu te gares au milieu de l’avenue. Tu claques la portière de ton véhicule, déboutonnes la fermeture en cuir de ton ceinturon, te cales à l’angle de la rue avec ton calibre entre les mains. La poignée est glissante avec l’averse qui tombe dessus. Tu passes ton avant-bras sur ton front pour libérer l’épais rideau d’eau sur tes sourcils, tu entends le bruit métallique des rayons de son vélo au loin. Tu n’es pas lucide, mais pas stupide, tu as laissé la sécurité enclenchée. Il ne s’agit pas de le blesser mortellement. Tu retiens ta respiration et, quand il arrive à ta hauteur, balance un coup de pied dans la roue de son véhicule. Il décolle sur plusieurs mètres pour se vautrer avec son sac à dos au milieu de la route trempée. Entre les gouttes de pluies, tu essaies de son regard, et lui probablement le tien. N’allait-il rien dire ? N’y avait-il que la peur dans cet individu ? Il ramassa en panique sa cargaison en ne te lâchant plus du regard. Ses talons glissent sur le bitume, il tente tant bien que mal de repartir à l’opposé de toi. Et, contrairement à tes espérances, tu ne réagis pas plus que ça. Tu as envie de pointer ton arme vers lui, viser l’espace entre ses omoplates pendant qu’il cavale à s’en rompre la nuque. Mais tu n’en fais rien. Tu te maudis toi-même.

Quelques semaines plus tard. Tu as fini par découvrir l'entrepôt-laboratoire qui sert aux Benjings Dragons pour la fabrication de la drogue. Tu as informé tous tes collègues et ton responsable t’a aidé à monter une opération nocturne. Briefing. A 1:00, on entre dans le bâtiment, on interpelle et on embarque les individus et le matériel. Un plan simple, nous sommes beaucoup plus nombreux qu’eux et ils n’auront pas d’intérêt à se battre. Si seulement.

1:01. Quelques dealers ont choisi d’être des héros en tirant sur les voitures de police banalisés. Cela donna l’alerte à la planque. Une dizaine d’hommes sortirent avec des armes. Tu as la pression, tu es sobre. Tu n’as jamais été aussi certain que ton arme allait te sauver la vie. Tu appliques les règles de l’école de police, viser la jambe ou le bras, désarmer l’individu sans infliger de blessure mortelles, préférer des tirs intimidateurs à côté des individus. Puis, tu l’as revu. Jirō Kanata.
Une balle a fusée à côté de ta tête, une autre vient de faire voler en éclat la fenêtre de la portière derrière laquelle tu te protégeais. Et là, par peur, tu tires, sans réfléchir assez, en plein dans le thorax. L’individu se recule contre le mur et repeint le jaune du bâtiment avec son sang pour former une mélasse orangeâtre. Là-dessus, Jirō Kanata fuit à l’intérieur du laboratoire. C’était ton premier meurtre, contrairement à ce que tu penses du second. D’autres criminels profitent du chaos pour prendre des véhicules et partir très loin de ce champ de tir. Quand l’entrée est suffisamment sécurisée, comprendre qu’il n’y a plus que des menottés ou des tués à celle-ci, tu décides de t’engouffrer au sein de ces portes avec deux de tes collègues. Et là, vous n’aviez pas prévu cela. Du feu, craché depuis des armes automatiques, et léchant les parois des murs. Le temps de la fusillade, ils décidèrent de mettre le feu dans le but de détruire toutes les preuves. La fumée t’empêche d’avoir une grande visibilité et tu ne vois que des flashs lumineux sortirent des armes. En ajustant bien ton tir, tu parviens à blesser un criminel à l’épaule.

“Jirō Kanata !”

Tu le cries, tu espères bien qu’il t’entende, qu’il ait peur. Il est ta proie, celle que tu remettras en trophée au bureau et dans le droit chemin pour ses parents. Lorsque tu prononças son nom, une ombre détala dans une autre pièce. Là-dessus, tu cours à sa poursuite et quelque chose vient te piquer la côte. Peut-être une balle, tu ne le sais pas encore, l'adrénaline, la colère et l’envie te font pousser des ailes. Tes pieds parcourent des flaques d’essences. Tu ne pourras rester longtemps ici, la fumée et les vapeurs vont avoir raison de toi. Tu continues de lui courir après, tu tentes un tir hasardeux près d’un mur pour le stopper mais il n’en fait rien. Il essaie de te feinter à travers les flammes mais ton regard est encore vif. Finalement, en dernier recours, il se terre dans une pièce déjà en flammes et tu es le seul à lui barrer la porte. Il te regarde, tu le regardes, il te regarde le regarder. Tu as levé ta main vers lui, avec le regard revanchard. Il te tient en joue, les doigts tremblants sur la gâchette. Tu n’as pas peur, tu n’as jamais eu moins peur de toute ta vie. Puis, il se décomposa, ses doigts laissèrent tomber son arme au sol. Des larmes coulent sur ses joues, tu ne sais pas s’il s’agit de désespoir ou de la fumée. A cela, tu lui intimes de lui tourner le dos, de mettre les mains au-dessus de sa tête puis de se mettre à genoux. Le feu est si proche de lui, il implore ta pitié, ton pardon. Sur ses effusions sentimentales, tu te contentes de faire deux pas en arrière. Il dit ton prénom, ton nom. Et le répète, de façon de plus en plus désarticulée. Quand tu as passé l'entrebâillement de la porte :

“Jigoku he ike, Yaro.” (va en enfer, vaurien)

Aussi rapidement que tu le peux, tu fermes la porte, la verrouilles, fait sauter la serrure à l’aide de la crosse de ton arme puis fait tomber deux armoire devant l’ouverture. La porte de métal n’a pas de fenêtre et tu n’entends que des cris étouffés. Malgré la douleur, dans ton flanc droit, tu parviens à déplacer un caisson devant les armoires. Tu tournes le dos et retourne à l’entrée en étouffant. Un collègue te prends sous son bras et lorsqu’il te demande s’il reste des personnes à l’intérieur, tu lui réponds que non, tous sont morts. Tu vas t’asseoir contre un véhicule de police et le frais du métal fait du bien contre ta peau. Les pompiers ne devraient pas… Un bruit violent éclata à tes oreilles. Une gerbe de flamme immense se dégagea du bâtiment en une explosion importante. L’aura rouge du feu épousa le noir de tes yeux. Tu as peut-être une balle de calibre 9mm dans les côtes, mais tu n’as jamais eu moins mal qu’en cet instant.

Benjins Dragons. Jirō Kanata. Jirō Kanata, le début de ton alcoolisme. Jir Kanata, le début de ta vendetta envers la pègre chinoise, puis plus généralement toutes les mafias. Jiro Kanata, la raison de la violence et la célérité de tes doigts quand ils se fracassent sur les touches de clavier d’ordinateur. Jiro Kanata, celui que tu as préféré laissé mourir, car il ne méritait plus de vivre dignement selon toi. Jirō Kanata, ton frère. La mort “accidentelle” de Jirō Kanata, le salut de tes parents, de l’honneur de ta famille. Rapport de police du 11 avril 1998, Charney. Ctrl+A, Suppr.